Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/136

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son cousin, Maugis chercha fortement à le dissuader d’aimer plus longtemps Angélique. Il lui dit qu’elle s’était livrée à un vil Barbare ; elle était à cette heure si loin de France, qu’il aurait beaucoup de peine à retrouver ses traces, car elle avait déjà fait plus de la moitié du chemin pour arriver dans son pays, où elle retournait avec Médor.

Le départ d’Angélique n’aurait point semblé chose trop pénible à l’intrépide amant, et n’aurait point troublé son sommeil, ni empêché qu’il ne conçût l’idée de partir pour le Levant. Mais, en apprenant qu’un Sarrasin avait cueilli les prémices de son amour, il éprouve une telle souffrance, une telle angoisse, qu’en aucun autre moment de sa vie il ne souffrit davantage.

Il lui est impossible de faire la moindre réponse. Son cœur, au dedans, son cœur tremble ; au dehors, ses lèvres s’agitent vainement ; sa langue ne peut articuler une parole. Sa bouche est amère comme s’il avait avalé du poison. Il quitte soudain Maugis, et après avoir poussé de grands soupirs, exhalé de grandes plaintes, il se décide à partir pour le Levant où l’entraîne sa rage jalouse.

Il demande congé au fils de Pépin, et prend pour prétexte son destrier Bayard qu’emmène le Sarrasin Gradasse, au mépris des devoirs de tout vaillant chevalier. C’est le souci de son honneur qui le pousse à courir après lui, afin qu’il empêche le Sérican menteur de se vanter jamais d’avoir enlevé Bayard, par la lance ou l’épée, à un paladin de France.

Charles lui donne licence de partir, bien qu’il