Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/14

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« Car ses sujets le craignent autant qu’on peut craindre la mort. La nature, en même temps que la méchanceté, lui a donné une force surhumaine. Sa stature est gigantesque, et sa force dépasse celle de cent hommes. Ce n’est pas seulement pour nous, ses sujettes, qu’il est impitoyable ; il traite les étrangères avec encore plus de cruauté.

« Si votre honneur vous est cher, ainsi que celui des trois dames qui sont en votre compagnie, il sera plus sûr, plus utile et meilleur pour vous de ne pas aller plus avant, et de chercher un autre chemin. Celui-ci conduit droit au château de l’homme dont je vous parle. Vous y subiriez la coutume honteuse et barbare qu’il y a établie pour les dames et les guerriers qui passent par là.

« Marganor le félon — c’est ainsi que s’appelle le seigneur, le tyran de ce castel — surpasse en iniquité et en félonie Néron, et tous ceux qui furent renommés par leur caractère féroce. Il est plus avide du sang humain, et surtout du sang féminin, que le loup de celui de l’agneau. Après les avoir abreuvées d’outrages, il fait chasser toutes les femmes que leur mauvaise fortune a conduites en ce castel. »

Les dames et Roger voulurent savoir ce qui avait porté cet homme impitoyable à un tel degré de fureur. Ils prièrent la femme, puisqu’elle avait commencé à raconter cette histoire, de pousser la complaisance jusqu’à la leur dire tout entière. Elle reprit : « Le seigneur de ce castel fut toujours cruel, inhumain et féroce. Mais, pendant un