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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/183

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si grand coup au cœur du docteur, que lance ni épée ne lui aurait rien fait éprouver de si douloureux. Afin de s’assurer de son malheur, — bien qu’il crût trop, hélas ! à son ami le devin, — il alla trouver la nourrice et, la prenant à part, il usa de toute son habileté pour savoir le vrai.

« Tournant et retournant autour d’elle, il chercha de çà de là à trouver une piste ; mais tout d’abord, quelque ardeur qu’il y mît, il ne découvrit rien, car la nourrice, qui n’était pas neuve en cette matière, niait toujours effrontément. Pendant plus d’un mois, elle tint son maître suspendu entre le doute et la certitude.

« Combien le doute devait lui sembler bon, lorsqu’il songeait à la douleur que lui causerait une certitude ! Quand il eut essayé, en vain, près de la nourrice, des prières et des cadeaux ; quand il eut vu qu’elle ne voulait lui dire que des choses fausses, il attendit, en homme expert, que la discorde éclatât entre elle et sa maîtresse, car là où sont deux femmes, il y a toujours conllit et querelle.

« Il advint comme il s’y attendait. Au premier dissentiment qui naquit entre elles, la nourrice s’en vint, sans qu’il allât la chercher, lui raconter tout. Elle ne lui cacha plus rien. Il serait trop long de dire le coup que ressentit au cœur le malheureux docteur, et combien il eut l’esprit bouleversé. Son chagrin fut si fort, qu’il faillit perdre la raison.

« Enfin, cédant à la colère, il se résolut à mourir ; mais, auparavant, il voulut tuer sa femme.