Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/185

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l’accomplissement de l’ordre cruel qui lui a été donné.

« Il tire son épée et dit à sa maîtresse quel ordre lui avait donné son maître afin qu’avant de mourir elle demande pardon à Dieu de son crime. Je ne saurais te dire comment elle disparut ; mais, au moment même où le serviteur crut la frapper, il ne la vit plus. Il la chercha en vain tout autour de lui, et en resta tout ébahi.

« Il revient vers son maître tout honteux et le visage tout effaré. Il lui raconte l’étrange aventure, ajoutant qu’il ne sait pas ce qui s’en est suivi. Le mari ne savait pas que sa femme avait à ses ordres la fée Manto, car la nourrice, qui connaissait tout le reste, ignorait ce point que sa maîtresse lui avait caché.

« Il ne sait que faire ; il n’a ni vengé son injure, ni diminué sa peine. Ce qui était auparavant un fétu de paille est devenu une poutre, tant cela lui pèse sur le cœur. Il craint que la faute de sa femme, qui était sue de quelques personnes seulement, ne devienne tellement connue qu’elle soit la fable de tous. Il aurait pu tout d’abord la cacher, mais maintenant la rumeur publique va la répandre par le monde entier.

« Il comprend bien que sa femme, voyant qu’il a découvert sa félonie, se sera mise, afin de ne plus retomber en son pouvoir, sous la protection d’un homme puissant. Celui-ci la gardera, et en jouira, à l’ignominie du mari qu’il tournera en risée. Peut-être tombera-t-elle entre les mains de