Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/213

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pouvait trouver, en fait de noblesse de race et de vaillance, une alliance non seulement égale, mais meilleure.

Aymon écouta son fils avec quelque dédain ; il s’étonna de ce qu’il eût osé marier sa fille sans en conférer avec lui. Il lui dit qu’il avait décidé qu’elle serait la femme du fils de Constantin, et non de Roger, lequel non seulement ne possédait pas de royaume, mais n’avait chose au monde dont il pût dire : Ceci est à moi. Il ajouta qu’il prisait peu la noblesse et le courage sans la richesse.

Béatrix, la femme d’Aymon, blâma bien davantage son fils, et le traita d’insolent. Elle s’opposa ouvertement et secrètement à ce que Bradamante devînt la femme de Roger, car elle poussait de tout son pouvoir à en faire une impératrice du Levant. Renaud, de son côté, s’obstinait, ne voulant pas manquer d’un iota à sa parole.

La mère, qui croyait que sa magnanime fille n’aurait d’autre volonté que la sienne, l’engage à dire hautement qu’elle aimerait mieux mourir que de devenir la femme d’un pauvre chevalier ; elle ne la reconnaîtrait plus jamais pour sa fille, si elle supportait l’injure que lui fait son frère. Qu’elle ne craigne donc pas de dire non, et qu’elle se rassure ; Renaud ne pourra la forcer.

Bradamante se tait ; elle n’ose pas contredire sa mère, car elle a pour elle un tel respect, qu’elle ne pourrait songer un instant à lui désobéir. D’un autre côté, il lui semblerait commettre un crime