Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/267

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s’arrête un instant pour l’écouter, puis il descend de cheval et s’approche de lui. Il voit bien qu’Amour est cause d’un tel martyre, mais il ne sait pas le nom de la personne qui en est l’objet, car Roger n’a point encore fait entendre son nom.

Léon s’approche doucement, doucement, jusqu’à ce qu’il soit face à face avec Roger ; il l’aborde avec l’affection d’un frère, s’incline vers lui et lui jette les bras autour du cou. Je ne saurais dire si l’arrivée imprévue de Léon est agréable à Roger ; il craint qu’il ne vienne le troubler dans ses projets, et qu’il ne veuille pas le laisser mourir.

Léon, du ton le plus doux, le plus affable qu’il peut trouver, de l’air le plus affectueux qu’il peut prendre, lui dit : « Ne crains pas de m’apprendre le motif de ta douleur. Il y a bien peu de maux sur la terre dont l’homme ne puisse se guérir, alors qu’on en connaît la cause. On ne doit point désespérer, tant qu’il reste un souffle de vie.

« Je vois avec beaucoup de peine que tu as voulu te cacher de moi ; tu sais cependant que je suis pour toi un ami véritable. Non seulement depuis que je te connais, je n’ai jamais manqué aux devoirs de l’amitié, mais je t’en ai donné des preuves, alors même que j’aurais dû voir en toi un ennemi à jamais mortel. Sois persuadé que je suis tout disposé à employer pour toi ma fortune et mes amis, à donner ma vie s’il le faut.

« Ne crains donc pas de me confier ton chagrin ; laisse-moi voir si la force, la ruse, les richesses,