Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/29

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fuyait, la lance lui entra par l’échine et, ressortant par l’estomac, se rompit net.

Autant la fille d’Aymon en touchait de sa lance d’or, autant elle en couchait à terre. Tout ce qu’elle frappait était brisé et renversé comme si le ciel ardent eût secoué sa foudre. La population se mit à fuir, qui vers le château, qui vers la plaine. Les uns coururent se réfugier dans les églises, les autres dans leurs maisons. Hormis les morts, pas un homme ne resta sur la place.

Pendant ce temps, Marphise s’était emparée de Marganor, et lui avait lié les mains derrière le dos. Elle l’avait confié à la vieille suivante de Drusille qui en parut fort contente. Puis on décida de brûler le bourg, si les habitants ne revenaient pas de leur erreur, et s’ils ne consentaient pas à abolir la loi infâme que Marganor avait établie.

On n’eut pas beaucoup de peine à obtenir cela, car ces pauvres gens, outre la crainte qu’ils avaient de voir Marphise en faire plus encore qu’elle ne disait — elle parlait de les occire et de les brûler tous — étaient les ennemis de Marganor, et détestaient sa loi cruelle et impie. Mais ils avaient fait comme font en général les peuples, qui obéissent le plus facilement à ceux qu’ils haïssent le plus.

Comme chacun se défie de son voisin, et craint de faire voir ce qu’il pense, on laisse bannir l’un, tuer l’autre, enlever à celui-là sa fortune, à celui-là son honneur. Mais, si l’on se tait, on crie du