Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tance. Je croirai que Branzardo, qui est resté dans le pays en qualité de lieutenant et de vice-roi, pour dix ennemis qu’il y a, nous en annonce mille, afin de mieux s’excuser.

« Je veux bien encore concéder que les Nubiens soient tombés du ciel comme par miracle, ou soient venus, cachés dans les nuées, puisqu’on ne les a jamais vus par les chemins. Crains-tu que de telles gens puissent t’enlever l’Afrique si tu ne lui portes pas un prompt secours ? La garnison que tu y as laissée aurait bien peu de courage, si elle redoutait un peuple si faible.

« Mais tu n’as qu’à envoyer quelques navires, seulement pour montrer tes étendards. Ils n’auront pas plus tôt levé l’ancre, que les ennemis, qu’ils soient Nubiens ou Arabes, s’enfuiront vers leurs frontières. C’est en effet ta présence ici, au milieu de nous, qui les a enhardis à porter la guerre dans ton royaume dont ils te savent séparé par la mer.

« Prends donc tout le temps, pendant que Charles est privé de l’aide de son neveu, pour satisfaire ta vengeance. Roland n’étant point avec eux, tes ennemis ne sauraient te résister. Si, par imprévoyance ou par négligence, tu laisses échapper de tes mains la glorieuse victoire qui t’attend, la fortune, que maintenant nous pouvons saisir aux cheveux, ne nous montrera plus que le côté chauve de sa tête, et cela à notre grand dam et à notre éternelle honte. »

Par ces paroles prudentes et d’autres encore du