Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/50

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auras le dessous ou tu seras mis en déroute. Si l’armée d’Afrique et d’Espagne a été défaite alors que nous étions seize contre huit, que sera-ce maintenant que l’Italie et l’Allemagne sont alliées à la France, ainsi que le peuple d’Angleterre et d’Ecosse, et que nous ne serons plus que six contre douze ? Que pouvons-nous attendre, sinon le blâme et la défaite ?

« Si tu t’obstines plus longtemps à cette entreprise, tu perdras ici ton armée, et là-bas ton royaume. Si, au contraire, tu te décides à retourner en Afrique, tu sauveras en même temps et tes États et ce qui reste de nous. Abandonner Marsile serait indigne de toi, et chacun t’accuserait d’ingratitude. Mais il y a un moyen, c’est de faire la paix avec Charles. Il y trouvera son profit tout aussi bien que toi.

« Cependant, si tu crois que ton honneur ne te permette pas de demander la paix, toi qui as été le premier offensé, et si la bataille te tient tellement au cœur que tu veuilles que ce soit elle qui décide du succès, examine au moins par quel moyen tu peux rester vainqueur. Tu le seras probablement, si tu veux m’en croire, et si tu confies le soin de ta cause à un chevalier, et si ce chevalier est Roger.

« Je sais, et tu sais aussi, que notre Roger vaut, les armes à la main, non moins que Roland et que Renaud, et qu’aucun autre chevalier chrétien ne peut l’égaler. Mais si tu veux continuer une guerre générale, bien que sa vaillance soit surhumaine, il ne pourra, à lui seul, valoir autant que toute une armée.