Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/96

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Il apprend de tout le monde que c’est Agramant qui a rompu le premier son serment. Roger aime Agramant, et se séparer de lui pour cette seule raison lui semble dur. Comme je l’ai dit plus haut, l’armée africaine fuyait en déroute et dispersée ; la roue de la Fortune avait tourné pour elle, selon le bon plaisir de celui qui gouverne le monde.

Roger délibère en lui-même pour savoir s’il doit rester, ou s’il doit suivre son seigneur. L’amour qu’il porte à sa dame est un frein qui le retient et le fait hésiter à retourner en Afrique. Diverses pensées l’agitent et le tourmentent en sens contraires. Il craint que le ciel ne le punisse, s’il ne tient pas le serment qu’il a fait au paladin Renaud.

D’un autre côté, il n’est pas moins troublé à l’idée d’abandonner Agramant en un pareil désastre. Il a peur qu’on ne l’accuse de lâcheté. Il n’ignore pas que si beaucoup le loueront d’être resté, beaucoup en revanche le blâmeront, et diront qu’il n’était pas tenu d’observer une promesse injuste et coupable.

Pendant tout le jour et toute la nuit, pendant l’autre jour encore, son esprit est indécis ; il ne sait s’il doit partir ou rester. Enfin il se décide à retourner en Afrique avec son maître. Son amour pour sa femme était tout-puissant sur lui, mais le devoir et l’honneur pouvaient encore plus.

Il revient vers Arles, car il espère y trouver encore la flotte pour passer en Afrique. Mais il ne voit aucune trace de navire, ni sur mer, ni sur le fleuve. Il ne voit aucun Sarrasin, si ce n’est les