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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/113

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

vieux prestige de galanterie s’attache à la petite salle surchauffée où l’on mange côte à côte et non face à face. L’homme se dit que ce serait braver la tradition que de ne pas la suivre, faire injure au sourire énigmatique du maître d’hôtel que de ne pas profiter de sa discrétion. Lorsqu’il frappe quelques coups pour apporter le café, comment supporter sans honte son regard si on lui a crié : « Entrez ! » tout de suite et avec une voix altérée par aucune émotion ?

Il faut s’y attendre ; aussi certainement que des fruits ou des liqueurs, votre compagnon vous offrira une scène d’amour. Elle sera tendre si vous lui inspirez de la tendresse, mais si vous lui inspirez du désir, sachez bien que, quelle que soit sa finesse ou son tact, elle sera brutale, directe, et il vous faudra beaucoup d’énergie pour ne pas être entièrement décoiffée, pour que les volants de votre jupe ne soient pas déchirés, pour ne pas perdre, par un geste prématuré ou la docilité d’une minute, un prestige savamment acquis.

Car ce n’est ni le lieu ni l’heure de l’amour. Il y a des rires étouffés de domestiques dans le couloir, des bouchons de champagne traînent sur le sol, la nappe est tachée, quelque chose de vénal, des images d’aventures vulgaires passent au fond des mi-