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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/252

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L’AMOUR ET LES POISONS

une épouse modèle, mais elle ne sera jamais une femme étrange, comme elle le rêve. »

Je la perdis de vue et la retrouvai après trois ou quatre ans. Je la reconnus à peine. Un immense changement s’était opéré en elle. C’était une troublante créature aux yeux profonds, au teint mat qui de jolie était devenue belle. La rondeur bon enfant de ses joues avait disparu, l’expression de bonté de son regard avait fait place à cette lumière des yeux qui a l’air de contenir un secret jamais deviné. Ses cheveux semblaient plus épais sur ses tempes et il n’était pas jusqu’à ses mains qui avaient plus de longueur et de finesse.

Je m’étonnai d’un tel changement. J’appris par la suite que, devenue la maîtresse d’un officier de marine, elle était l’hôtesse assidue des fumeries parisiennes. J’eus même l’occasion de l’y rencontrer. J’y remarquai qu’elle goûtait beaucoup ces réunions, mais qu’elle-même ne fumait pas.

Il est certain que mille causes avaient dû agir sur elle pour la transformer : ses fréquentations, le théâtre, son goût propre. Mais il est certain aussi que c’était la seule atmosphère des fumeries d’opium, les longues nuits de causerie où l’on évoque les voyages, les colonies aux climats étouffants, les arts orientaux, qui avaient pu lui donner