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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/256

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L’AMOUR ET LES POISONS

il était tout petit et il m’a toujours semblé que le comble de la disgrâce pour un homme est d’être à la fois petit et barbu.

Odon était l’ami d’enfance de mon amie Éliane et celle-ci passait son temps à me faire son éloge, à m’énumérer ses qualités. Mais elle perdait sa peine et je le lui avais déclaré très nettement. Toutes les qualités de la terre pèsent moins dans la mystérieuse balance de la sympathie qu’une flottante barbe noire.

Éliane était à ce moment-là amoureuse d’un officier de marine. Elle le voyait beaucoup ; cet officier avait pour elle une grande sympathie, lui disait même qu’il l’aimait, il le lui prouvait en ne laissant pas s’écouler un seul jour sans aller chez elle, ou sans lui demander de venir chez lui, mais, chose curieuse, il était toujours demeuré respectueux avec elle et, au grand mécontentement d’Éliane, n’avait jamais osé davantage que de simples baisers.

C’était un très grand fumeur d’opium et il passait toutes ses journées et toutes ses nuits couché sur le matelas cambodgien de son petit appartement de la rue Pigalle. Éliane l’y rejoignait souvent l’après-midi, Éliane n’était pas libre le soir, car j’ai oublié de dire qu’elle était mariée.