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Page:L’Art priapique, parodie des deux premiers chants de l’art poétique, 1864.djvu/27

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L’ART POÉTIQUE.

Ils croiraient s’abaisser, dans leurs vers monstrueux,
S’ils pensaient ce qu’un autre a pu penser comme eux.
Évitons ces excès ; laissons à l’Italie
De tous ces faux brillants l’éclatante folie.
Tout doit tendre au bon sens, mais pour y parvenir
Le chemin est glissant et pénible à tenir ;
Pour peu qu’on s’en écarte, aussitôt on se noie :
La raison pour marcher n’a souvent qu’une voie.
Un auteur quelquefois, trop plein de son objet,
Jamais sans l’épuiser n’abandonne un sujet.
S’il rencontre un palais, il m’en dépeint la face,
Il me promène après de terrasse en terrasse :
Ici s’offre un perron, là règne un corridor,
Là ce balcon s’enferme en un balustre d’or ;
Il compte des plafonds les ronds et les ovales ;
« Ce ne sont que festons, ce ne sont qu’astragales. »
Je saute vingt feuillets pour en trouver la fin,
Et je me sauve à peine au travers du jardin.
Fuyez de ces auteurs l’abondance stérile,
Et ne vous chargez point d’un détail inutile :
Tout ce qu’on dit de trop est fade et rebutant,
L’esprit rassasié le rejette à l’instant.
Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire.
Souvent la peur d’un mal nous conduit dans un pire :
Un vers était trop faible, et vous le rendez dur ;
J’évite d’être long, et je deviens obscur.