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Page:L’Ermitage - 1906, tome 2, juillet-décembre.djvu/193

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passer pour sans conséquence. Quand on disoit de moi c’est un homme d’un certain âge j’en convenois ; mais cette vérité me dépitoit. Tout cela dans les moments qu’étant tout seul je descendois dans moi-même me rendoit convaincu que je devois penser à une belle retraite. Je m’y voyois forcé même, car je me voyois à la veille de n’avoir plus de quoi vivre après avoir consumé mes trésors. Tous mes amis, dont les bourses m’étoient ouvertes étoient morts. M. Barbaro, mort poitrinaire dans cette même année n’avoit pu me léguer dans son testament que six misérables sequins par mois pour toute ma vie, et M. Dandolo qui étoit le seul ami qui me restoit, ne pouvoit m’en donner qu’encore six, et il avoit vingt ans plus que moi. J’avois à mon départ de Rome sept ou huit cents écus romains, et mes bijoux en montres, en tabatières, en jolies bagues de peu de prix qui me faisoient plus de mal que de bien, car ils me faisoient croire riche, et l’ambition me forçoit à dépenser de façon à faire voir qu’on ne se trompoit pas. La connoissance de cette vérité me fit prendre le sage parti de ne paroître à Florence que vêtu simplement et sans aucun faste. Faisant cela, je me suis dit, que, quand le besoin d’argent m’obligera à vendre les meubles que je possédois personne n’en sauroit rien.

Avec ce plan je suis arrivé à Florence en moins de deux jours sans m’arrêter nulle part allant me loger à une auberge de nulle renommée, et envoyant ma voiture à la poste, puisque l’aubergiste qui s’appelait J.-B. Allegranti n’avoit pas un endroit pour la mettre. Ce fut le lendemain que je suis allé la faire mettre dans une remise.

Assez bien logé dans une petite chambre, trouvant l’hôte modeste, et raisonnable, et ne voyant que des femmes laides, et âgées, j’ai cru de pouvoir y vivre très tranquillement et hors de risque de faire des connoissances séduisantes.

Le lendemain matin, je me suis habillé de noir avec mon épée en ceinture, et je suis allé au palais Piti pour me présenter à l’archiduc grand duc. C’était Léopold qui mourut, il y a sept ans empereur. Il donnait audience à tous ceux qui se présentaient, j’ai cru devoir aller directement à lui sans me soucier d’aller auparavant chez le comte de Rosemberg. Voulant demeurer tranquille en Toscane, j’ai cru que pour me garantir de malheurs dépendans d’espionnage, et des soupçons naturels à la police je devois tout directement me présenter au maître. Je