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Page:L’Ermitage - 1906, tome 2, juillet-décembre.djvu/194

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suis donc allé à l’antichambre et j’ai écrit mon nom à la suite des autres qui étoient là attendant leur tour pour avoir audience. Un marquis Pucci qui étoit de ce nombre, et qui m’avoit connu à Rome, chez une marquise, je ne me souviens plus si née Frescobaldi de Florence, ou veuve d’un marquis de ce même nom, m’approcha pour me faire compliment sur le plaisir qu’il avoit de me revoir dans sa patrie. Il me dit qu’il avoit accompagné jusqu’à Bologne M. ***, qui retournoit en Angleterre avec une jeune épouse romaine, qui effaceroit toutes les beautés de Londres. Il me dit qu’il m’en parloit parce que dans le séjour qu’il avoit fait à Florence, il avoit beaucoup parlé de moi, se flattant de me voir de retour de Rome. Je l’ai remercié de la bonne nouvelle qu’il me donnoit, puisque je m’intéressois beaucoup au bonheur du beau couple.

J’aurois été fâché de trouver Armelline encore à Florence, car l’aimant encore, je n’aurois pu la revoir en possession d’un autre que dans la plus grande amertume de mon âme.

Le lecteur doit s’être aperçu qu’à l’endroit où j’ai parlé de son mariage avec le généreux et charmant M. X…, je ne me suis arrêté à aucune des circonstances qui l’accompagnèrent.

La raison en est que je n’ai jamais eu la force de bien écrire un fait dont le souvenir m’est douloureux. Les manèges de la marquise d’Aoust, les larmes d’Armelline qui étoit amoureuse du florentin et la parole d’honneur que je lui avois donnée de la faire devenir sa femme, quand j’ai exigé d’elle les dernières faveurs les puissans motifs, qui me forcèrent à agir contre les intérêts de mon cœur. Repenti de ma promesse, je me suis réduit à offrir ma main à Armelline en présence de la supérieure, après que je l’avois rendue bien certaine que je n’étois pas marié. Armelline refusa mon offre non pas par des paroles, mais par des larmes ; et quatre mots de Madame d’Aoust finirent de m’avilir. Elle me demanda si j’étois en état de donner à l’excellente fille 10 000 écus romains.

Cette fière question me mit à la raison, mais dans le plus grand chagrin de mon âme. J’ai alors écrit à la supérieure, et à Armelline même que je reconnois toute mon injustice, et que j’espérois qu’elle me pardonneroit toutes les fautes de mon esprit à la passion qui me préoccupoit, lui désirant tous les bonheurs possibles avec M. X, que je reconnoissois beaucoup