Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


« Insensés, ne prononcez point de semblables paroles, de peur que quelqu'un n'aille les rapporter dans ce palais. Maintenant, levons-nous en silence pour exécuter le projet que nous avons tous approuvé. »

Il dit. Aussitôt Antinoüs choisit vingt de ses meilleurs compagnons, et ils se rendent sur le rivage de la mer, auprès de leur vaisseau rapide. D'abord ils font avancer le sombre navire vers les flots ; puis ils apportent le mât et les voiles, passent les rames dans des anneaux de cuir (ils disposent tout avec ordre, déploient ensuite les blanches voiles), et d'orgueilleux serviteurs portent leurs armes. Ils roulent leur navire dans les plaines humides ; et, s'étant embarqués, ils prennent leur repas dans les ténèbres du soir.

La chaste Pénélope, retirée dans les appartements supérieurs du palais, se reposait sans prendre aucun aliment. Elle se demandait si son fils irréprochable échapperait au trépas, ou s'il succomberait vaincu par les fiers prétendants. — Tremblante et agitée comme une lionne qui, au milieu d'une foule d'hommes, se voit entourée de pièges, Pénélope ne peut trouver le repos. Cependant un doux sommeil saisit la mère de Télémaque ; elle s'endort, étendue sur sa couche, et ses membres perdent leur énergie et leur force.

Minerve, la déesse aux yeux d'azur, médite un autre dessein. Elle crée un fantôme semblable par la forme à Iphtimé, fille du magnanime Icare, et l'épouse d'Eumèle, qui demeurait dans le palais de Phères. Minerve l'envoie dans la demeure d'Ulysse pour faire cesser les pleurs, les gémissements et le deuil de la malheureuse et plaintive Pénélope. Le fantôme entre dans l'appartement en passant par l'ouverture de la courroie[1]; il se penche vers la tête de la reine, et lui adresse ces paroles :

  1. ) Le texte grec porte : παρὰ κληῖδος ἱμάντα (vers 802) (près de la courroie du verrou). Pour bien comprendre ce passage, il faut savoir que les portes étaient fer­mées par un levier en bois (χληἴς) et qu'à l'extrémité de ce levier était attachée une courroie qui passait à l'extérieur par un trou pratiqué à la porte même, et qui servait à tirer le levier pour le placer horizontalement. Puis on fixait le levier dans cette position en nouant la courroie à un anneau fixé à la partie