Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/172

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la beauté, la sagesse et l'éloquence.

L'un est inférieur en beauté, mais un immortel lui a donné le charme des discours, ce charme divin qui embellit le visage ; tous regardent avec délices ce brillant orateur, car il parle sans se troubler : il s'exprime avec une douce modestie, il l'emporte par son éloquence sur tous les hommes ; et quand il traverse la ville, chacun le suit des yeux comme une divinité. L'autre, au contraire, est, par sa beauté, semblable aux immortels ; mais la grâce et l'harmonie ne sont point répandues dans ses discours. Toi, tu es si beau que les dieux eux-mêmes ne pourraient rien former de plus accompli ; mais ton esprit est vain et grossier. Jeune homme, tu viens de faire naître, par tes inconvenantes paroles, la colère au fond de mon cœur. Non, je n'ignore point l'art de combattre, comme tu le prétends, car jadis j'étais aux premiers rangs et je me fiais alors à ma jeunesse et à la force de mon bras. Maintenant je suis en proie aux plus violents chagrins pour avoir combattu sans cesse et navigué longtemps sur la triste mer. Cependant malgré mes souffrances je lutterai avec vous ; car tes mordantes paroles ont excité mon courage. »

Ulysse, sans quitter son manteau, se lève et s'empare d'un disque plus grand, plus épais et plus pesant encore que ceux dont les Phéaciens s'étaient servis ; il le fait tourner avec rapidité et le lance d'une main vigoureuse. La pierre résonne aussitôt, et tout le peuple se penche vers la terre lorsqu'il aperçoit le disque passer au-dessus de lui : le disque vole au delà de toutes les marques en s'échappant avec impétuosité de la main du héros. Alors Minerve, sous les traits d'un mortel, place un signe à l'endroit où le disque est tombé, puis elle dit à Ulysse :

« Étranger, un aveugle en tâtonnant distinguerait ta marque ; car elle n'est point confondue parmi toutes les autres, mais elle les devance de beaucoup. Rassure-toi donc, ô noble voyageur, aucun Phéacien ne pourra dépasser ni même atteindre ta marque. »

À ces mots Ulysse se réjouit, heureux de trouver dans l'assemblée un ami bienveillant ; et d'une voix plus douce il s'exprime en ces termes :