Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/173

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« Jeunes gens, atteignez maintenant ce but ; moi, j'espère lancer bientôt à cette distance un second disque qui ira peut-être plus loin encore[1]. Qu'il vienne donc se mesurer avec moi, celui qui en aura le cœur et le courage ; puisque vous m'avez tous irrité ! Qu'il s'essaie au pugilat, à la lutte, à la course, je ne refuse personne, personne, excepté le seul Laodamas, car Laodamas est mon hôte ! — Qui voudrait en effet se mesurer avec l'ami qui le reçut dans son palais ? Insensé et vil est celui qui oserait, sur une terre étrangère, défier un hôte bienveillant : il porterait atteinte à son propre bonheur ! — Je ne refuse donc ni ne redoute aucun de ces Phéaciens ; je veux au contraire les connaître et essayer leurs forces en présence de tous. Certes je ne suis point un lâche, même parmi les plus vaillants : je ne recule jamais, quels que soient les combats qu'on me propose ! Je sais manier avec dextérité l'arc étincelant ; et le premier je frapperais un héros en jetant un trait dans la foule des ennemis, alors même que de nombreux compagnons seraient à mes côtés et lanceraient des flèches contre leurs adversaires. Philoctète seul me surpassait par son adresse à se servir de l'arc lorsque les Grecs faisaient voltiger leurs dards au milieu du peuple troyen. Mais moi, dans ces sortes de luttes, je me glorifie de l'emporter sur tous les hommes qui se nourrissent des doux fruits de la terre. — Pourtant je n'aurais point voulu me mesurer avec les héros qui nous ont précédés, tels qu'Hercule ou l'Échalien Euryte, qui luttèrent au combat de l'arc avec les immortels ; aussi le grand Euryte mourut-il subitement et n'atteignit point la vieillesse dans son palais : Apollon, irrité d'avoir été provoqué par lui au combat de l'arc, le tua de sa propre main. — Moi, je lance plus loin mon javelot qu'un autre ne pourrait lancer ses flèches. Toutefois à la course seule, je crains d'être vaincu par vous ; car les flots et les tempêtes ont épuisé mes forces. Les vivres ont souvent manqué sur mon vaisseau, et les privations ont brisé mes membres ! »

Il s'arrête, et tous les assistants gardent le silence ; Alcinoüs seul répond en disant :

  1. Nous nous sommes écartés ici des interprétations de Clarke, et, pour être plus précis, nous avons suivi celles de Pope, de Voss et de Dubner.