Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/212

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toutes parts une roche escarpée dont les deux extrémités s'avancent jusqu'à l'embouchure et forment une étroite entrée. C'est dans ce port que mes compagnons entrent avec nos navires ballottés par les flots, et qu'ils les attachent les uns auprès des autres. Jamais aucune vague ne s'élève dans cette enceinte, où règne constamment une paisible sérénité. Moi seul, resté en dehors, je lie mon sombre navire à un rocher situé à l'extrémité du port, et je monte ensuite sur une hauteur pour connaître le pays. Je n'aperçois d'abord aucune trace de culture, ni de travaux humains ; mais je vois seulement s'élever du sein de la terre des tourbillons de fumée. Je prends alors deux de mes plus vaillants compagnons et un héraut pour les envoyer à la découverte et pour savoir quels sont les hommes qui, dans cette contrée, se nourrissent des doux fruits de la terre. Ces guerriers prennent une route facile, la même que suivent les chariots lorsqu'ils conduisent à la ville le bois coupé sur les hautes montagnes. Près de la cité ils rencontrent la fille du Lestrygon Antiphate, jeune vierge qui s'en allait puiser de l'eau : elle descendait à la limpide fontaine Artacie ; car c'était là qu'on venait chercher l'eau nécessaire à la ville. Mes compagnons s'adressent à cette jeune fille, lui demandent quel est le roi de ces contrées, sur quels peuples il règne ; et aussitôt elle leur montre les superbes demeures de son père. Ils se rendent au palais et trouvent une femme grande comme une haute montagne :

    des nuits et la longueur des jours. Voelcker (Geogr. d’Hom., § 116) adopte cette explication. « Les Lestrygons, dit-il, habitent une ville retirée sur une hauteur ; or, l'expérience avait appris aux Grecs que sur les hautes montagnes, sur l'Athos, par exemple, le soleil, pendant la nuit, ne disparaît que peu de temps derrière l'horizon ; et que, quand les derniers feux du soir ont à peine pâli à l'occident, déjà l'aurore se montre à l'orient : ils concluaient de là que ce peuple occidental pouvait, de ces hautes demeures, assister très-long-temps au coucher du soleil, puisqu'il était, dans leurs idées, le plus près possible du soleil couchant. C'est ainsi, ajoute-t-il, que les voies de la nuit et du jour se touchent, et qu'un pâtre qui ne dormirait point pourrait gagner un double salaire. » — L'auteur des notes de la traduction de Voss dit, au sujet de ce passage, que les Lestrygons faisaient paître les bœufs pendant la nuit et les brebis pendant le jour, afin de mettre les bœufs à l'abri d'une espèce d'insecte qui les aurait incommodés pendant le jour.