Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/219

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de ces maux et te sauver. Prends cette plante salutaire, qui écartera de toi le jour sinistre , et rends-toi au palais de Circé. Maintenant je vais t'apprendre tous les pernicieux desseins de la déesse. Circé te préparera d'abord un breuvage dans lequel elle jettera des charmes funestes qui seront impuissants, car cette plante salutaire te préservera de tout malheur. Écoute-moi encore : lorsque Circé t'aura touché de sa longue baguette, saisis à l'instant ton glaive aigu et fonds sur elle comme si tu voulais la tuer. Circé, toute tremblante, désirera s'unir à toi ; mais ne refuse point de partager sa couche, afin qu'elle délivre tes amis et qu'elle t'accueille favorablement. Fais-lui jurer alors par le serment des dieux qu'elle ne tramera pas quelque ruse contre toi, de peur que, t'ayant désarmé , elle ne t'enlève à la fois et tes forces et ton courage. »

» En disant ces mots, Mercure me donne une plante qu'il vient d'arracher du sein de la terre, et il m'en fait connaître la nature ; sa racine était noire, mais sa couleur était blanche comme le lait : les dieux la nomment moly[1]. Les hommes ne peuvent arracher cette plante, mais tout est possible aux immortels.

» Mercure quitte l'île ombragée d'arbres et dirige ses pas vers l'Olympe. Moi, je me rends aux demeures de la déesse, l'âme agitée de mille pensées. Je m'arrête sous les portiques, et j'appelle l'enchanteresse, qui entend ma voix : elle accourt aussitôt, ouvre ses portes brillantes et m'invite à la suivre ; moi, j'entre dans le palais, le cœur accablé de tristesse. Circé m'introduit ; elle me fait asseoir sur un trône magnifique orné de clous d'argent, place une escabelle sous mes pieds, apprête un breuvage dans une coupe d'or, y mêle des plantes funestes en méditant au fond de son âme d'affreux desseins, et me présente la coupe. Je prends ce breuvage, mais il ne me charme point. Alors Circé, me frappant de sa baguette, me dit :

  1. On ne sait pas précisément quelle est cette plante nommée moly. Hippocrate prétend que c'est une espèce d'ail, et Buttmann que c'est une herbe sauvage. Théophraste, Pline et Dioscoride ont donné la description du moly, avec des circonstances qui ne se rapportent pas à la description qu'Homère fait de cette plante.