Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les y conduire, et ils périrent victimes de leur imprudence : les insensés osèrent se nourrir des troupeaux consacrés au céleste soleil, et ce dieu leur enleva la journée du retour ! Déesse, fille de Jupiter, raconte-nous quelques-unes de ces aventures [1]. Déjà tous les soldats, qui avaient fui le cruel fléau, étaient rentrés dans leurs foyers, après avoir échappé aux périls de la mer et des combats. Un seul, cependant, désirant revoir son épouse et sa patrie, était retenu dans les grottes profondes de la nymphe Calypso, la plus auguste de toutes les déesses, qui souhaitait l'avoir pour époux. Mais lorsque dans le cours des années arriva le temps marqué par les dieux pour son retour à Ithaque, où lui et ses amis ne devaient pas encore éviter de nouveaux malheurs, tous les immortels le prirent en pitié, excepté Neptune, qui poursuivit sans cesse de sa haine implacable le divin Ulysse jusqu'au moment où ce héros atteignit sa terre natale.

Neptune s'était rendu chez les Éthiopiens, habitants des terres lointaines (chez les Éthiopiens, qui, placés aux extrémités du monde, sont séparés en deux nations : l'une, tournée vers l'Occident, et l'autre, vers l'Orient) ; là, parmi les hécatombes de taureaux et de béliers, il assistait joyeux à leurs festins ; les autres divinités étaient rassemblées sur les sommets de l'Olympe, dans les palais de Jupiter. Le père des hommes et des dieux, le premier de tous, fait entendre sa voix : il songeait à la destinée du bel Égisthe [2], que venait d'immoler le fils d'Agamemnon, l'illustre Oreste ; plein de ce souvenir, il adresse ces paroles aux immortels :

  1. Nous suivons, comme pour l'Iliade, l'ordre des alinéas indiqué dans le texte grec
  2. L’épithète ἀμύνων (irréprochable), qu’Homère donne à Égisthe, a été supprimée par madame Dacier et par Dugas-Montbel comme ne convenant pas à Égisthe, qui naquit d'un inceste et déshonora sa vie par l'adultère et le meurtre. Pope a voulu justifier cette épithète en disant que l'âme d'Egisthe sortit irréprochable des mains des dieux; mais alors cette justification pourrait s'appliquer aux plus grands criminels, et rendrait toute épithète inutile. Knight, pour trancher la difficulté, supprime les vers 29 et 31 du texte grec, c'est-à-dire tout ce qui a rapport à Égisthe. Nous avons, nous, laissé subsister les vers retranchés par Knight, ainsi que l'épithète; seulement nous avons rendu ἀμύνων par beau, car Homère, dans l'Iliade et dans l'Odyssée, se sert souvent de ce mot pour désigner la beauté des femmes.