Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/234

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connaît toutes choses.



Si personne d'entre vous ne touche à ces troupeaux, vous reviendrez tous dans votre patrie et vous reverrez l'île d'Ithaque ; mais, si vous portez sur ces animaux une main sacrilège, je te prédis la perte de ton navire et la mort de tous tes guerriers. Si tu te sauves, ce ne sera que fort tard et après avoir perdu tes fidèles compagnons. Tu arriveras dans ta patrie sur un navire étranger, et là tu seras encore menacé par de nouveaux malheurs ; car tu trouveras des hommes orgueilleux qui consumeront tes richesses, et qui, désirant s'unir à ta chaste épouse, lui offriront les présents des fiançailles ; mais toi, tu puniras leur insolence. Lorsque tu auras frappé de ton glaive, soit par ruse, soit ouvertement, tous ces fiers prétendants, empare-toi d'une brillante rame et navigue jusqu'à ce que tu trouves des peuples qui n'ont aucune connaissance de la mer, des peuples qui ne se nourrissent point d'aliments salés et qui ne possèdent ni navires aux rouges parois, ni rames éclatantes qui servent d'ailes aux vaisseaux. Je vais encore te donner un signe certain afin que tu ne te trompes pas. Quand un voyageur te demandera pourquoi tu portes un van[1] sur tes brillantes épaules, plante alors ta rame dans la terre, sacrifie à Neptune de belles victimes, un bélier, un sanglier mâle et un taureau ; puis retourne dans ta patrie et offre des hécatombes sacrées à tous les immortels habitants de l'Olympe. Longtemps après, la Mort cruelle, sortant du sein des mers, te ravira le jour au milieu d'une paisible vieillesse, et tu laisseras après loi, noble Ulysse, des peuples heureux. — Je t'ai dit la vérité. »

Mais je lui réponds en disant :

  1. Dugas-Montbel fait remarquer que l'expression ἀθηρηλοιγὸν (vers 128) employée ici pour exprimer un van, dérive de λοιγὀς (perte, destruction), et de ἀθήρ ἀθέρος (la barbe de l'épi, la balle qui enveloppe le grain). Dans l’Iliade, ajoute cet auteur, un van se dit πτύον ; ce devaient être deux objets différents. Le πτύον de l'Iliade devait avoir quelque rapport avec cet instrument d'osier fait en coquilles et avec deux anses, dans lequel on agite le grain, comme semble l'indiquer la phrase même de l’Iliade : du large van s'élancent les pois, tandis que celui dont il est question est tout simplement une pelle de bois pour jeter le blé en l'air et eu détacher la menue paille. On conçoit très-bien qu'une rame puisse être prise pour cet instrument par des hommes qui n'avaient aucune idée de navigation ; car, disaient les anciens, le van de la mer, c'est la rame ; et la rame de la terre, c'est le van.