Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/27

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l'eau dans les cratères [1], les autres de nettoyer les tables avec des éponges douées et poreuses, de les mettre en place et de diviser les viandes par morceaux. Le premier qui aperçoit au loin la déesse est Télémaque, semblable à un dieu ; assis parmi les prétendants à la main de sa mère, son cœur est dévoré de chagrins : il médite dans son esprit que, si son valeureux père était de retour, il chasserait de son palais cette foule de prétendants, ressaisirait son honneur et gouvernerait à son gré ses riches domaines. Toutes ces pensées l'agitaient lorsqu'il aperçoit Minerve. Il va droit au vestibule, et s'indigne au fond de l'âme qu'un étranger soit resté si longtemps à la porte ; il se tient près de la déesse, lui prend la main droite, reçoit la lance d'airain et lui adresse ces rapides paroles : « Salut, étranger ; reçois de nous un accueil amical. Lorsque les aliments auront réparé tes forces, tu nous diras le sujet qui t'amène. »

À ces mots il s'avance le premier, et Minerve suit ses pas. Quand ils sont entrés dans le palais splendide de l'époux de Pénélope, Télémaque dépose la lance contre une haute colonne dans l'endroit brillant où se trouvent réunis les nombreux javelots de l'intrépide Ulysse ; il conduit la déesse vers un trône qu'il recouvre d'un tapis richement brodé, auprès duquel est une estrade pour reposer les pieds. Télémaque s'assied auprès d'elle, loin des prétendants, sur un siège peint de diverses couleurs : il craignait que son hôte, importuné par le bruit, ne fût troublé dans son repas en se mêlant à ces audacieux ; et il désirait aussi l'interroger sur l'absence de son père. Alors une suivante, portant une belle aiguière d'or, verse l'eau qu'elle contient dans un bassin d'argent où ils baignent leurs mains ; puis elle place devant eux une table unie et luisante. Une vénérable intendante y dépose le pain et des mets nombreux qu'elle leur présente ensuite avec grâce (un autre serviteur apporte des plats chargés de différentes viandes, et de superbes coupes d'or) ; enfin, un héraut s'empresse de leur verser le vin.

  1. Pour le mot κρητήρ ou κρατήρ (cratère), voir l’Iliade, liv. I, notes.