Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voile pour la populeuse Sidon. Moi je restai sur le rivage le cœur accablé de chagrin.

À ces mots la déesse aux yeux d'azur sourit et caresse de sa main le divin Ulysse. Tout à coup elle paraît sous les traits d'une femme belle, majestueuse et savante dans les travaux les plus délicats ; puis elle adresse au héros ces rapides paroles :

« Certes il serait adroit et ingénieux celui qui, par astuce, l'emporterait sur toi, quand même ce serait un dieu. ! Homme incorrigible, toujours fertile en stratagèmes, tu ne renonceras donc jamais à tes ruses, tu ne te lasseras donc pas, même au sein de ta patrie, de recourir à ces trompeuses paroles qui te sont chères depuis ton enfance! Mais cessons de tels discours, puisque l'un et l'autre nous connaissons également tous ces subterfuges. Toi, tu l'emportes sur les autres hommes par tes conseils et par tes paroles ; moi, parmi les dieux, je suis honorée par mon esprit et par mes ruses. Comment, divin Ulysse, tu n'as point encore reconnu Pallas-Minerve, la fille de Jupiter ! C'est cependant moi qui t'assiste, qui veille sur toi et qui t'ai fait chérir de tous les Phéaciens. Maintenant je viens ici pour le donner les moyens de cacher tes richesses, et pour te dire tout ce que le destin te réserve dans ton superbe palais. Ulysse, tu supporteras des maux sans nombre ; car la nécessité t'y contraint. Tu ne feras connaître à aucun homme, à aucune femme, à personne, enfin, que tu es venu en ces lieux comme un fugitif. Souffre en silence de nombreuses douleurs et endure patiemment les outrages des hommes. »

Le prudent Ulysse lui répond aussitôt :


« Ô déesse, il serait difficile à un mortel de te reconnaître, fût-il même le plus habile de tous les hommes ; car tu peux prendre, toi, toutes les formes qu'il te plaît. Moi je sais combien tu m'as été favorable tant que nous, fils des Achéens, nous avons combattu dans les champs d'Ilion. Cependant lorsque nous eûmes ravagé la haute ville de Priam, que nous fûmes montés sur nos vaisseaux et qu'un dieu eut dispersé les Achéens, je cessai de t'apercevoir, ô fille de Jupiter, et je ne le vis point entrer dans mon navire pour éloigner de moi tout danger. Triste et chagrin, j'errais sur la mer en attendant que les immortels me