Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/52

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peuple à nous réprimer, quand il serait difficile, même à une multitude, de nous combattre au milieu des festins [1] ! Si Ulysse roi d'Ithaque, revenait en ces lieux et qu'il voulût chasser de son palais les illustres prétendants lorsqu'ils prennent leur repas, son épouse serait loin de se réjouir, bien qu'elle désire son retour avec ardeur ; mais lui-même recevrait ici la mort s'il voulait attaquer un aussi grand nombre d'ennemis ! Tu viens donc de parler sans raison. - Maintenant, citoyens, séparez-vous, et que chacun retourne à ses travaux : Mentor et Halitherse, les anciens compagnons d'Ulysse, s'occuperont du départ de Télémaque. Je pense que ce jeune homme restera longtemps ici, car c'est dans Ithaque qu'il recevra des nouvelles de son père, et jamais il n'entreprendra son voyage.»

En parlant ainsi, il rompt tout à coup l'assemblée. Chacun se disperse, rentre dans sa demeure ; et les prétendants retournent au palais du divin Ulysse.

Alors Télémaque se rend seul près des bords de la mer, et, après avoir baigné ses mains dans l'onde blanchissante, il adresse cette prière à Minerve :

« Entends ma voix, ô déesse, toi qui vins hier dans notre palais, toi qui m'ordonnas de parcourir les mers obscures sur mon navire pour m'informer du retour de mon père absent depuis tant d'années ! Les Achéens s'opposent à l'exécution de tes ordres, et ce sont surtout les prétendants, dont l'audace coupable ne connaît plus aucun frein ! » Ainsi priait Télémaque. Minerve s'approche de lui en prenant les traits et la voix de Mentor, et elle lui adresse ces rapides paroles :



« Télémaque, tu ne manqueras désormais ni de prudence ni de valeur. Si tu possèdes l'âme courageuse de ton père, de celui qui exécuta fidèlement ses actes et ses promesses, ce voyage ne sera ni vain ni sans effet. Si au contraire tu n'es pas le fils

  1. Selon Eustathe et les petites scholies, les mots μαρχήσασθαι περὶ δαιταί ne signifient pas interrompre les fêtes, mais attaquer pendant un festin. Aussi l'adversaire du compagnon d'Ulysse ne parle-t-il ainsi que parce que les prétendants, exaltés par les fumées du vin, se croyaient invincibles.