Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/92

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d'autres vêtements ; dès que je lui eus juré, par le plus terrible des serments, de ne point découvrir Ulysse aux Troyens avant que ce héros eût rejoint ses tentes et ses rapides navires, il me dévoila tous les projets des Achéens. Puis Ulysse ayant tué avec son glaive redoutable un grand nombre d'ennemis, revint parmi les Argiens avec la réputation d'un homme rempli de stratagèmes[1].. Alors les Troyennes poussèrent de grands cris, et moi je fus forcée de me réjouir au fond du cœur ; car mon seul désir était de revoir mes foyers. Je pleurais sans cesse sur la faute fatale que m'avait fait commettre Vénus, lorsqu'elle me conduisit loin de la terre chérie de la patrie, qu'elle me fit quitter le lit nuptial, et me sépara de ma fille et de mon époux, de Ménélas qui l'emporte sur tous et par son esprit et par sa beauté. »

Le blond Ménélas lui répond :

« Ma chère épouse, tout ce que tu viens de dire est juste. J'ai appris à connaître les sentiments et les conseils de beaucoup de héros ; j'ai parcouru de nombreuses contrées ; mais jamais je n'ai vu de mes propres yeux un mortel d'une grandeur d'âme égale à celle de l'intrépide Ulysse. Ce héros courageux osa s'introduire dans le cheval de bois au moyen duquel nous pénétrâmes, nous, les plus braves des Grecs, pour porter aux Troyens le carnage et la mort. Inspirée sans doute par un dieu qui voulait combler de gloire les Troyens, tu vins, ô Hélène, suivie du divin Déiphobe, près de nos creuses embûches, et tu en fis trois fois le tour en les touchant de tes blanches mains, et tu appelas par leurs noms les plus illustres des Grecs en imitant la voix de leurs épouses. Assis au milieu des guerriers, moi, Diomède et le divin Ulysse, nous t'entendîmes appeler. À ces accents, le fils de Tydée et moi nous nous élançâmes tout à coup pour sortir ou du moins pour

  1. Les traducteurs ne s'accordent pas à l'endroit de κατὰ δὲ φρόνιν ἤγαγε πολλήν (vers 258) que nous avons traduit, en adoptant les opinions de Clarke, de Dubner et de Bitaubé, par : « avec la réputation d'un homme plein de stra­tagèmes. » Madame Dacier, Dugas-Montbel et Voss rendent ce passage, la première par : « Il (Ulysse) porta aux Grecs toutes les instructions qui leur estoient nécessaires » le second par : « il leur rapporta de nombreux rensei­gnements » et le troisième par : « mit grosser Kunde bercichert » (enrichi de grands renseignements).