Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/94

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ravagés, ma maison est remplie d'hommes malveillants qui dévorent sans cesse mes nombreux troupeaux, mes bœufs à la marche pénible et aux cornes tortueuses. Ces hommes ce sont les prétendants de ma mère, tous pleins d'une orgueilleuse arrogance. — Maintenant j'embrasse tes genoux afin que tu me racontes la fin déplorable de mon père, si tu l'as vue de tes propres yeux, ou si tu l'as apprise de quelque pauvre voyageur; car certainement la mère d'Ulysse l'enfanta pour souffrir ! Soit respect, soit pitié, ne me flatte point : raconte-moi fidèlement tout ce que tu sais. Si jamais mon père, le brave Ulysse, t'aida de ses conseils ou de son bras au milieu du peuple troyen, où vous, Grecs, avez souffert tant de maux, je te supplie, ô Ménélas, de m'en garder aujourd'hui le souvenir et de me dire la vérité. »

Le blond Ménélas, soupirant profondément, s'écrie :

« Hélas! c'est donc dans la couche de cet homme vaillant qu'ils ont voulu se reposer, ces lâches insensés ! Mais, ainsi qu'un lion courageux, rentrant dans son antre, égorge sans pitié de jeunes faons encore à la mamelle qu'a déposés au fond de la caverne une biche qui parcourt les montagnes et paît dans les prairies : tel Ulysse, rentrant dans ses foyers, préparera une mort cruelle à tous ces prétendants. — Jupiter, Minerve et Apollon, écoutez-moi ! Pourquoi le héros Ulysse ne se montre-t-il pas à ces jeunes arrogants tel qu'il était autrefois dans la superbe Lesbos, lorsqu'après une querelle, se levant pour lutter contre Philoctète, il terrassa ce guerrier d'un bras vigoureux et combla de joie tous les Achéens ? Alors, pour chaque prétendant, quelle mort prompte et quel hymen rempli d'amertume ! — Je répondrai sans détour aux questions que tu m'adresses et je ne te tromperai point. Je n'oublierai pas non plus les prédictions que m'a faites l'infaillible vieillard de la mer ; enfin je ne te cacherai rien.

Malgré mon désir de revoir ma patrie, les déesses me retenaient en Égypte : j'avais négligé de leur offrir des hécatombes ( et les immortels veulent que toujours on se souvienne de leurs commandements ). Au milieu de la mer mugissante, en vue de l'Égypte, s'élève une île (on la nomme Phare) éloignée du rivage de toute la distance qu'en un jour franchissent les creux