Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/95

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navires, lorsqu'un vent aigu les pousse en soufflant à leurs poupes. Cette île présente un port très commode d'où les vaisseaux égaux peuvent être aisément lancés à la mer après que les rameurs ont puisé l'eau salubre nécessaire au voyage. Les dieux me retinrent dans cette île vingt jours pendant lesquels il ne s'éleva aucun de ces vents favorables qui guident les navires sur le vaste dos des mers. Sans doute mes provisions se seraient consumées et le courage aurait abandonné mes compagnons, si l'une des déesses, la fille du puissant Protée, le vieillard de la mer, Idothée, touchée de compassion, ne m'eût sauvé : elle se sentit émue, et elle vint à moi qui errais seul, loin des autres guerriers. Ceux-ci, tourmentés par la faim, parcouraient l'île en tous sens pour pécher dans la mer, avec leurs hameçons recourbés, de quoi se nourrir. Idothée s'approchant alors de moi me dit :



« Étranger, es-tu donc un enfant ou un homme privé de raison ? Retardes-tu volontiers ton voyage ? Tu te réjouis donc à souffrir mille douleurs, puisque tu restes si longtemps dans cette