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Page:L’amour saphique à travers les âges et les êtres, 1906.djvu/218

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L’AMOUR SAPHIQUE

Il nous a été donné de voir se dérouler la vie vraiment lamentable d’une pauvre créature qui méritait mieux que l’existence cruelle qui fut la sienne.

Née à la campagne, chez des parents pauvres et grossiers, elle fut mariée très jeune à un homme âgé, libidineux et brutal qui la tortura littéralement au moral et au physique jusqu’au moment où, affolée, à bout de résignation, elle s’enfuit.

Douée de beaucoup d’imagination, naturellement très supérieure à sa situation, elle avait beaucoup lu de romans grapillés çà et là ; elle rêvait à l’amour, mais à un amour idéal, délicat, passionné, dévoué, dénué de la brutalité que seule elle avait connue. Elle vint à Paris, essaya de trouver du travail, et comme elle était jolie, bien que frêle, elle ne rencontra qu’un amant. Elle le prit à contre-cœur, quoique celui-ci fût à cent lieues de la cruauté de son mari. Désireuse de s’affranchir du joug, elle entra dans un hippodrome où, gagnant sa vie chichement, péniblement, au prix d’un travail fatigant et dangereux, elle put se passer d’amant. L’homme l’effrayait, lui répugnait ; un baiser, le désir lu en des yeux enflammés, lui causait des transes. Et cependant, au fond de son cœur, elle souhaitait toujours ardemment l’amour sentimental célébré par les romans dont elle se bourrait sans trêve.