Page:La Bhagavadgita, trad. de Senart, 1922.djvu/41

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des Bhâgavatas se serait élevé graduellement à son rang souverain et finalement confondu avec l’Âme universelle. En ce qui touche les origines lointaines du personnage de Kṛishṇa, je n’ai pas à décider ici entre les hypothèses. Mais pour ce qui est de cette identification suprême, elle ne saurait s’expliquer par un mouvement progressif ; une pensée réfléchie n’aurait pu manquer d’en sentir le paradoxe. Expression extrême d’un culte exalté, elle exclut, bien plus qu’elle ne l’appelle, l’idée d’une évolution lente. Personne, d’ailleurs, ne conteste sans doute que, bien avant le iiie siècle, le monisme des upanishads eût préparé le terrain. Sur le nom de Nârâyaṇa identifié à Purusha, la fusion du Dieu personnel avec l’Être absolu s’était faite de bonne heure. Des passages comme Çatap. Brâhm., XIII, 6, 1, 1 ; XII, 3, 4, 11 n’ont de sens que si elle avait été, dès le temps où ils remontent, réellement professée.

Notre poème se place au cœur d’une évolution religieuse dont il synthétise beaucoup d’éléments. Peu d’agencement systématique, mais un syncrétisme pieux dont l’ardeur n’entend rien sacrifier. Médiocrement embarrassé des inconsistances, il s’applique à ne rien abandonner d’un trésor de spéculations qui, si elles s’accordent mal, ne s’op-