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Le sieur de Bouilhonnas acheva donc l’instruction que son frère avait entreprise. Il fit enseigner à son neveu les humanités et la philosophie, et lorsque les progrès, dans ces deux branches, eurent été aussi remarquables qu’on les attendait de cette précoce intelligence, il voulut que le jeune homme s’adonnât au droit et à la jurisprudence. Le moment était venu d’abandormer la famille, au sein de laquelle on faisait d’ordinaire alors ses premières études. Pourtant La Boétie semble avoir poussé plus avant qu’on n’allait habituellement l’éducation qu’il avait commencée au milieu des siens.

La Renaissance était, à ce moment, dans tout l’éclat de sa splendeur, et son influence bienfaisante se ressentait à Sarlat. En 1533, le roi François Ier avait nommé au siège épiscopal de cette ville le cardina Nicolas Gaddi, parent des Médicis, qui occupa ce poste jusqu’en 1546, c’est-à-dire pendant l’enfance et l’adolescence d’Estienne. Prélat instruit, ami des lettres et des arts, dont le goût était de tradition dans sa famille, le cardinal Gaddi avait en particulière affection les lettres et les arts de la Grèce. C’est lui qui offrit à François Ier un certain nombre de manuscrits grecs, qui lui venaient de son parent, Jean Gaddi, doyen de la chambre apostolique et plus épris encore que lui-même des choses de l’antiquité[1]. Nicolas Gaddi, qui était à Rome lors de sa nomination, ne fit son entrée dans son diocèse que huit ans après sa prise de possession et il ne séjouma pas toujours au milieu de ses fidèles[2]. Ce contact échauffa pourtant les esprits. La trace de cette influence n’est pas absolument disparue ; les armes du cardinal Gaddi se voient encore sur une des façades de l’évêché et il semble que cette partie du palais ait été construite sous son inspiration, peut-être par des ouvriers que l’évêque avait ramenés de son pays. L’ardeur de l’humaniste fit des prosé-

    croit une note manuscrite de l’abbé de Lespine, il avait étudié à Toulouse, au collège Saint-Martial, de 1517 à 1523. C’est là qu’il prit son grade de bachelier en droit, le 3 mars 1523, comme il appert de titres que Lespine affirme avoir vus.

  1. Notamment les n° 809, 1173, 2412, du fonds grec actuel de la Bibliothèque nationale. (Léopold Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. I p. 158.)
  2. Sur l’épiscopat du cardinal Gaddi, voyez les Chroniques de Jean Tarde, chamoine théologal et vicaire général de Sarlat, publiées par M. de Gérard, p. 223.