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lytes. Nulle part elle ne fut mieux accueillie que dans la maison de La Boétie, nouvellement élevée sur la place du Moustier, et que quelques pas à peine séparaient de l’évêché[1]. Là, il y avait une jeune âme déjà mûre pour comprendre le charme ineffable de la beauté antique, et qui trouva, dans cette passion, le germe puissant qui féconde et qui fertilise.

Il n’est pas vraisemblable, comme l’ont prétendu la plupart de ses biographes, qu’Estienne de La Boétie vint achever ses études au Collège de Guyenne, qui était sans conteste le plus renommé de la région. Alla-t-il ailleurs ? Rien ne permet de le supposer. Mais si La Boétie eût étudié à Bordeaux, comment expliquer que Montaigne, qui fut l’élève du Collège de Guyenne de 1539 à 1546, n’ait point entendu parler alors d’un condisciple si remarquable ? Ils ne lièrent connaissance que plus tard, au Parlement, et, au surplus, le récent historien du Collège de Guyenne n’a pas rencontré, à ma connaissance, le nom de La Boétie parmi les élèves de cet établissement[2].

De Sarlat, La Boétie alla donc, sans doute, directement à Orléans couronner, à l’Université des Lois, les études qu’il avait faites dans sa famille. C’est là qu’il prit ses grades, et les registres nous en ont conservé la preuve. « Le 23 septembre 1553, y lit-on, fut ordonné par le recteur et le collège de l’Université d’Orléans Maître Estienne de La Boétie, du diocèse de Sarlat, qui paiera pour droit de son grade de licencié en droit civil trente sols tournois, dix autres pour le droit de nation, mais rien pour la jurande, — ou inscription accompagnée du serment, — parce qu’il est bachelier. Fait dans le dit collège, l’an du Seigneur 1553, le 23e jour du mois de septembre. Pour le secrétaire, Chéteau[3]. » Après cela, il demeure désormais certain que La Boétie acquit à Orléans cette profonde science juridique, dont ses contemporains nous disent

  1. Cette demeure est assurément un fort bel échantillon de l’art de la Renaissance, ainsi qu’on en peut juger par l’eau-forte due à la pointe de M. Leo Drouyn et placée en tête de ce volume.
  2. M. Gaullieur, qui a donné sur le Collège de Guyenne une monographie intéressante et pleine de faits (Bordeaux, 1875, in-8o). Cette tradition du passage de La Boétie dans les écoles de Bordeaux a été, pour la première fois, mise en doute par M. Dezeimeris, dans son discours sur la Renaissance des Lettres à Bordeaux, p. 39.
  3. En voici le texte : « Eodem die, pro licentia magistri Stephani LA BOÉTIE, Sarlatensis diocesis, in jure civili, anno et die quibusupra (sic) : Pro domino scolastico, XL s. t. ; pro bedello nationis, V s. t. ; pro procuratore, II s. VI d. ; pro natione, X s. t. ; pro bursa Universitatis, XXX s, t. ; pro receptore generali, II s. t. ; pro scriba, XII d. ; pro bedello generali ceterisque, XLVIII s. t. ; jura baccalaureatus. MYNIER, loco rectoris. — Eodem die quo supra, ordinatum fuit a domino rectore et collegio Universitatis Aurelianensis, quod magister Stephanus LA BOÉTIE, Sarlatensis diocesis, solvet pro jure sui gradus Licentiatus in jure civili, triginta asses turonenses, et pro jure nationis, decem alios ; nihil autem pro juranda quia baccalaureus. Actum in dicto collegio, anno Domini millesimo quingentesimo quinquagesimo tertio, die vero vicesima tertia mensis septembris. CHETEAU, proscriba. » — Ce document important a été découvert et publié par M. Jules Doinel (Documents du XVIe siècle, tirés des archives orléanaises, 1876, brochure in-8o, p. 7).