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estienne de la boétie


ma veuë n’a quelquefois tiré court. Or, ſans mentir, il eſtoit, à tout prendre, ſi pres du miracle, que pour, me iettant hors des barrieres de la vray’-ſemblance, ne me faire meſcroire du tout, il eſt force, parlant de luy, que ie me referre & reſtraigne au deſſoubs de ce que i’en ſçay. Et pour ce coup, Monſieur, ie me contenteray ſeulement de vous ſupplier, pour l’honneur & reuerence que vous deuez à la verité, de teſmoigner & croire, que noſtre Guyenne n’a eu garde de veoir rien pareil à luy parmy les hommes de ſa robbe. Soubs l’eſperance donc que vous luy rendrez cela qui luy eſt treſiuſtement deu, & pour le refreſchir en voſtre memoire, ie vous donne ce liure, qui tout d’vn train auſſi vous reſpondra de ma part, que ſans l’expreſſe defenſe que m’en fait mon inſuffiſance, ie vous preſenterois autant volontiers quelque chofe du mien, en recognoiſance des obligations que ie vous doy, & de l’ancienne faueur & amitié que vous auez portee à ceux de noſtre maiſon. Mais, Monſieur, à faute de meilleure monuoye, ie vous offre en payement vne treſaſſeuree volonté de vous faire humble ſeruice.

Monſieur, ie ſupplie Dieu qu’il vous maintienne en ſa garde.

Voſtre obeiſſant ſeruiteur,
Michel de Montaigne.