Page:La Boétie - Œuvres complètes Bonnefon 1892.djvu/334

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ESTIENNE DE LA BOÉTIE . L que nos loix defendent ofenfer la reputation d’autruy, ô· ce neantmoins permettent de l’annoblir fans merite. Cefte pernicieufe licence de ietter ainji, à nojtre pojte, au vent les louanges d’vn chafcun, a ej/té autrefois diuerjement re_/treinte ailleurs; voire à l’aduenture aida elle iadis a mejtre la poéâe en la malegrace des Sages. Quoy qu’il en foit, au moins ne fe fçauroit on couurir que le vice du mentir n’y apparoiüe toufiours trefmeüeant à vn homme bien né, quelque vifage qu’on luy donne. Quant à ce per- fonnage de qui ie vous parle, Monfeur, il m’enuoye bien loing de ces termes, car le danger n’e_/t pas que ie luy en prefie quelqu’vne, mais que ie luy en o_/te; ê~=_/`on malheur · porte que, comme il m’a journy, autant qu’homme puipë, de trehujtes êr trefapparentes occajons de louange, i’ay bien auji peu de moien êr de fujifa-nce pour le luy rendre : ie dy moy, à qui feul il fe/t communiqué iiyques au vif év qui feul puis refpondre d’vn million de graces, de per- jeétions ë>= de vertus qui moifrent oifjûies au giron d’vne _h belle ame, mercy à l’ingratitude de fa fortune. Car la nature des chofes aiant, ie ne Eay comment, permis que la verité, pour belle Ev acceptable qu’elle foit d’elle mefme, h _/i` ne l’ambra_[ons nous qu’infu/`e ô• in_/inuee en no_/tre creance par les outils de la perfuafion, ie me treuue _/i fort defgarny ô- de credit pour authori/er mon _/imple tefmoignage, Er d’eloquence pour l’enrichir Sr le faire valoir, qu’à peu a il tenu que ie n’aye quitté là tout ce foing, ne me rcytant pas feulement du jen par ou digne- ment ie puige prefenter au monde au moins fon e_/prit Er fon fçauoir. De vray, Monjieur, aiant eftéfurpris de fa dqtinee en la fleur de fon aage, Gr dans le train d’vne tresheureufe 87 trefuigoureufe fanté, il n’auoit penfé à rien moins qu’à mettre au iour des ouurages qui dezüznt tefmoigner à la pofterité quel il eftoit en cela. Et à l’ad- uenture ejtoit il ayez braue, quand il y eu_/t penfé, pour n’en e_#re pas fort curieux, Mais en fn i’ai prins party qu’il feroit bien plus excufable à luy d’auoir enfeuely auec foy tant de rares faueurs du ciel, qu’il ne feroit à moy d’en/'euelir encore la cognoiyance qu’il m’en auoit