Page:La Boétie - Discours de la servitude volontaire.djvu/113

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prendre et laisser reprendre encore des opinions toutes différentes, selon les diverses raisons qu’ils s’imaginent. Le pis est qu’en la chose la plus grave et la plus précieuse, et qui nous est importante du salut, c’est en notre foi et créance, je ne sais par quelle corruption de nature la plupart sont plus sujets en cela qu’en tout autre fait, de prendre une opinion fausse pour vraie et changer volontiers, voire le plus souvent, sans savoir ce qu’on laisse ni ce qu’on prend.

C’est, pour vrai, comme un grand auteur ancien disait de la médecine, et combien qu’on ne puisse mettre sans grand danger sa personne entre les mains d’un médecin inconnu, il n’y a toutefois chose en quoi l’on soit si facile et léger à croire qu’en cela ; de sorte qu’on se fie même des plus ignorantes vieilles, si elles promettent la santé, avec des brevets ou des bracelets d’herbes. Et combien que la peur qu’on a de la mort pût être cause qu’on ne se fiât légèrement à personne, sans la bien connaître, pour mettre notre corps à sa merci, toutefois, tout au rebours, la crainte démesurée de mourir et le désir et espérance de guérir fait qu’on se fie de tout le monde. Ainsi, en la religion, bien que le poids de la chose, qui est le salut de l’âme, nous dut faire résoudre de ne recevoir aucune nouvelle créance d’aucun, sinon avec grande connaissance de cause, il