Aller au contenu

Page:La Boétie - Discours de la servitude volontaire.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

advient tout le contraire : qu’en chose du monde on n’est si facile à croire qu’en cela, lorsque quelqu’un menace de la damnation ou promet la félicité éternelle. Et c’est à cause que Dieu a mis en nous naturellement une affection et crainte, lesquelles, conduites avec raison, ne sont autre chose que dévotion et piété ; et quand elles sont dépourvues de jugement, c’est vanité et une sotte et aveugle superstition. Il ne faut donc point s’ébahir des erreurs quelle part qu’on les voie, mais plutôt il faut chercher par quelle occasion la dévotion que nous voyons à présent est entrée, qu’est-ce qui a pu émouvoir tant de gens qu’il n’y a maintenant que quarante et trois ans vivaient sous une même loi, en une même Église, en une concorde telle, que ce étant [c’était] toute la chrétienté(¹).

Qui a rompu cette paix et mis toute l’Europe en combustion ? L’un nommera Martin [Luther], l’autre Zwingle, l’autre quelqu’un des chefs de leur doctrine. Mais ce n’est pas ce que je cherche. Le mal se couvait devant que ceux-là naquissent ; et encore qu’ils aient été les instruments pour émouvoir la noise, se peut-il qu’il faut prendre la cause de plus haut, ce me semble, comme il advient quand on a quelque mauvaise aposthème et fort enflammée, laquelle on craint de faire percer au chirurgien, bien qu’elle soit