Page:La Boétie - Discours de la servitude volontaire.djvu/194

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pour l’importance de la chose : « Oui, suivit-il, à cette heure qu’ils ont encore un peu d’espérance. Mais si je la leur ai une fois toute ôtée, mon frère, vous serez bien empêché à les contenir. » Suivant ce respect, tant qu’il vécut depuis, il leur cacha toujours l’opinion certaine qu’il avait de sa mort, et me priait bien fort d’en user de même. Quand il les voyait auprès de lui, il contrefaisait la chère plus gaie et les paissait de belles espérances.

Sur ce point je le laissai pour les aller appeler. Ils composèrent leur visage le mieux qu’ils purent pour un temps. Et après nous être assis autour de son lit nous quatre seuls, il dit ainsi d’un visage posé et comme tout éjoui : « Mon oncle, ma femme, je vous assure sur ma foi, que nulle nouvelle atteinte de ma maladie ou opinion mauvaise que j’aie de ma guérison, ne m’a mis en fantaisie de vous faire appeler pour vous dire ce que j’entreprends ; car je me porte, Dieu merci, très bien et plein de bonne espérance ; mais ayant de longue main appris, tant par longue expérience que par longue étude, le peu d’assurance qu’il y a à l’instabilité et inconstance des choses humaines, et même en notre vie que nous tenons si chère, qui n’est toutefois que fumée et chose de néant ; et considérant aussi, que puisque je suis malade, je me suis d’autant approché du danger