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la bataille des trente

Français (c’est-à-dire Bretons) leur défendirent formellement de s’entremettre, comme les Anglais l’avaient fait à ceux de leur parti venus pour le même motif.

« Et quand ils furent l’un devant l’autre (ajoute Froissart), ils parlementèrent un petit ensemble tous soixante[1]  ; puis se retrairent[2] arrière les uns d’une part et les autres d’autre. Et firent toutes leurs gens traire[3] au dessus de la place[4] bien loin. »

Quand Froissart nous montre les deux troupes en face l’une de l’autre, engageant entre elles un colloque, il s’accorde très bien avec le poème, qui, on l’a vu, nous en fait connaître l’objet, c’est-à-dire la proposition faite par Bembro d’ajourner la bataille[5]. — « Toutes leurs gens » dont parle ici Froissart, ce sont les gens de service qui accompagnaient les combattants, les palefreniers pour garder les chevaux, les écuyers servants et les hérauts d’armes pour tenir haut les bannières des chevaliers, les valets portant des vivres, des rafraîchissements, les mires (les médecins pour soigner les blessés), etc.

Au milieu d’une vaste lande ou pacage, qu’on appelle dans le poème « le pré herbu[6], » et qui à ce moment de l’année devait être couvert tout au plus d’une herbe courte et rase, il faut se représenter, pour point central, le chêne de Mi-Voie, non pas vêtu d’une verte et opulente frondaison, comme l’en gratifient tous les tableaux et gravures de la bataille des Trente, mais tordant vers le ciel ses longs bras noirs, ses ramures grisâtres, ses branches nues et rugueuses, car ce n’est pas l’habitude des chênes de Bretagne d’être couverts de feuilles le 26 Mars.

Près de cet arbre, formant en face l’une de l’autre deux lignes plus ou moins régulières, les deux troupes de combattants. En arrière de chacune d’elles, séparés d’elles par un large espace, les

  1. Puisque, en tout, ils sont soixante, il n’y en avait donc que trente de chaque côté et non trente-un (Froissart, édit. Luce, IV, p. 113).
  2. Se retirèrent
  3. Ils firent retirer leurs gens.
  4. La place où devait avoir lieu le combat.
  5. Ce colloque préliminaire est le sujet de la vignette mise en tête du manuscrit Didot.
  6. Laisses, 18, 22, Crapelet. 21 et 22.