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la bataille des trente

chevaux, les hérauts, les gens de service de chaque parti. Plus loin encore en arrière, figurant un vaste cercle, la foule des spectateurs accourus de tous les coins du pays pour contempler cette grande lutte ; et bien qu’il y eût dans cette foule une grande vivacité d’émotions, de profondes oppositions de races de partis et de sentiments, aucune collision, aucun trouble ne s’y produisit, car il y avait trêve alors, nous l’avons dit, entre les belligérants ; mais cette trêve, selon les usages du temps, ne mettait nul obstacle aux combats particuliers par défi et cartel, comme celui de Mi-Voie.

Voilà la scène, voyons le drame.

Première phase du combat.

Après avoir parlementé quelque temps, les deux troupes, Froissart le dit, reculèrent chacune de leur côté, mais en se faisant face, de manière à laisser entre elles un espace libre. « Puis, ajoute Froissart, l’un d’eux fit un signe et tantost[1] se coururent sus et se combatirent fortement tout en un las, et rescouoient[2] bellement l’un l’autre quand ils voyoient leurs compagnons à meschef[3]. »


Ainsi dans ce premier choc entre les deux partis, dans cette première jointe, comme on disait alors, l’ordre donné par Beaumanoir à ses compagnons de combattre en se tenant serrés les uns contre les autres, c’est-à-dire en formant une ligne de bataille, ne fut observé ni par eux ni par leurs adversaires. Pas de ligne de bataille ni de part ni d’autre, puisqu’ils se battirent tout en un tas. En réalité, les deux troupes brûlant d’en venir aux mains coururent rapidement l’une sur l’autre sans garder aucun ordre ; chacun des combattants se rua sur l’adversaire qu’il trouva devant lui sans combiner le moins du monde son action avec celle de ses compagnons ; les deux troupes pénétrèrent ainsi l’une dans l’autre et se livrèrent, au hasard des rencontres, une série assez désordonnée de luttes individuelles. En un mot, cette phase du combat fut une mêlée dans toute la force du terme.


Cette mêlée ne favorisa pas d’abord les Bretons ; deux d’entre

  1. Aussitôt.
  2. Et se secouraient.
  3. En péril.