Page:La Borderie-La Bataille des Trente.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
la bataille des trente

eux furent tués : un chevalier, Jean Rousselot ou Rouxelet, et un écuyer, Geofroi Mellon. Trois autres très blessés furent faits prisonniers, dont deux chevaliers, Even Charuel et Caro de Bodégat, et un écuyer, Tristan de Pestivien[1]. D’où une notable infériorité pour les Bretons réduits à vingt-cinq champions contre trente Anglais. « Mais pour ce, dit Froissart ne laissèrent mie les autres de combattre, ains[2] se maintinrent moult vassaument[3] d’une part et d’autre, aussi bien que si tous fussent Rolands et Oliviers… Mais tant se combatirent longuement que tous perdirent force et haleine et pouvoir entièrement. Si leur convint arrester et reposer ; ils se reposèrent par accord, les uns d’une part, les autres d’autre[4]. »

Il y eut une suspension d’armes pour permettre aux combattants épuisés de fatigue de prendre quelque rafraîchissement. Tous en effet allèrent « querre à boire. »

« Chascun en sa boutaille, vin d’Anjou y fut bon. » (Crapelet, p.26).

On a peint les Anglais et les Bretons se mêlant, pendant cette courte trêve, plaisantant, buvant ensemble[5]. Le poème ne dit rien de semblable, et Froissart, on vient de le voir, affirme au contraire que les deux partis se tirèrent chacun à quartier et allèrent se reposer « les uns d’une part, les autres d’autre ». Ce qui était assurément beaucoup plus naturel.

Pendant cette suspension du combat, Beaumanoir arma chevalier, sur sa demande, Geofroi de la Roche, dont un des ancêtres avait pris part à la conquête de Constantinople, et qui promit de soutenir le renom de sa race en frappant rudement sur les Anglais. (Laisse 30, Crapelet p.26).

  1. Voir laisses 27, 28, 30, Crapelet, p.25 et 26. Il y a quelque obscurité dans les laisses 27 et 28, surtout en ce qui touche Tristan de Pentivien, qu’on pourrait croire mort. Mais comme on le retrouve plus loin (laisse 34, Crap, p.29) blessé mais vivant, et que la laisse 30 (Crap. p.26) dit positivement que les Bretons eurent là trois des leurs prisonniers et deux morts, il est clair que Tristan de Pestivien ne fut pas tué en cette rencontre mais seulement blessé et pris.
  2. Mais.
  3. Très vaillamment.
  4. Froissart, édit. Luce, IV, 113.
  5. Pol de Courcy, Combat des Trente, p.11.