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blait sortir des profondeurs du tartare, nous en fûmes réellement terrifiés. À côté de ces religieuses folies circulent les musiciens et les filles de joie. Des jeux de bague, des escarpolettes de tout genre sont en pleine activité, ce mélange de jeux profanes et de pratiques religieuses joint à l’étrangeté des figures et à l’extrême variété des costumes forme un spectacle infiniment curieux et que je n’oublierai jamais.

Encore une vraie poésie dans cette expansion qu’exprime le savant devant certains fragments de papyrus égyptiens.


Décrire les sensations que j’aie éprouvées en étudiant les lambeaux de ce grand cadavre d’histoire est chose impossible ! L’imagination la plus froide en serait ébranlée ! Comment se défendre d’un peu d’émotion en remuant cette antique poussière des siècles ! Je philosophais à outrance. Aucun chapitre d’Aristote ou de Platon n’est aussi éloquent que ce morceau de papyrus. J’ai vu rouler dans ma main des noms d’années dont l’histoire avait totalement perdu le souvenir, des noms de dieux qui n’ont plus d’autels depuis quinze siècles ; et j’ai recueilli, respirant à peine, craignant de le réduire en poudre, le petit morceau de papyrus, dernier et unique refuge de la mémoire d’un roi qui, de son vivant, se trouvait peut-être à l’étroit dans l’immense palais de Karnac ! Dans ces restes si fragiles et si mutilés d’un monde qui n’est plus, j’ai vu, comme dans celui d’aujourd’hui que du sublime au ridicule il n’y a qu’un pas ; que le temps réduit au même niveau et entraîne sans distinction ce qu’il y a de plus grand et de plus petit, de