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Page:La Brochure mensuelle - Année 1923 - Numéros 1 à 12B.djvu/228

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Eh bien ! Le Dieu des chrétiens, Dieu qu’on dit être de pitié, de pardon, d’indulgence, de bonté, de miséricorde, précipite une partie de ses enfants — pour toujours — dans ce séjour peuplé des tortures les plus cruelles, des supplices les plus indicibles.

Comme il est bon ! Comme il est miséricordieux !

Vous connaissez cette parole des Écritures : Il y aura beaucoup d’appelés, mais fort peu d’élus. » Cette parole signifie, si je ne m’abuse, qu’infime sera le nombre des élus et considérable le nombre des damnés. Cette affirmation est d’une cruauté si monstrueuse qu’on a tenté de lui donner un autre sens.

Peu importe : l’enfer existe et il est évident que des damnés — en grand ou petit nombre — y endureront les plus douloureux tourments.

Demandons-nous à qui peuvent être profitables les tourments des damnés.

Serait-ce aux élus ? — Évidemment non ! Par définition les élus seront les justes, les vertueux, les fraternels, les compatissants, et on ne saurait supposer que leur félicité, déjà inexprimable, serait accrue par le spectacle de leurs frères torturés.

Serait-ce aux damnés eux-mêmes ? — Pas davantage, puisque l’Église affirme que le supplice de ces malheureux ne finira jamais et que, dans des milliards et des milliards de siècles, leurs tourments seront intolérables comme au premier jour.

Alors ?…

Alors, en dehors des élus et des damnés, il n’y a que Dieu, il ne peut y avoir que lui.

C’est donc à Dieu que seraient profitables les souffrances des damnés ? C’est donc lui, ce père infiniment bon, infiniment miséricordieux, qui se repaîtrait sadiquement des douleurs auxquelles il aurait volontairement voué ses enfants ?

Ah ! s’il en est ainsi, ce Dieu m’apparaît comme le bourreau le plus féroce, comme le tortionnaire le plus implacable que l’on puisse imaginer.

L’enfer prouve que Dieu n’est ni bon, ni miséricordieux. L’existence d’un Dieu de bonté est incompatible avec celle de l’Enfer.

Ou bien il n’y a pas d’Enfer, ou bien Dieu n’est pas infiniment bon.