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DES ŒUVRES DE LA BRUYÈRE.

une phrase un tour nouveau, que L’on trouve dans une partie de l’édition seulement 1. Bien plus, les feuilles déjà tirées, et alors qu’elles sont toutes prêtes pour la reliure, alors même qu’on vient d’achever la reliure d’un certain nombre de volumes, il ne résiste pas au désir d’introduire dans le texte de nouveaux changements.

Les livres, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer 2, passaient d’ordinaire, à cette époque, de l’imprimerie à l’atelier du relieur, avant de prendre place dans la librairie. L’auteur, auquel sans doute étaient envoyées les bonnes feuilles à mesure qu’elles se tiraient, recevait de plus, dès que l’impression était achevée, les premiers exemplaires, tant pour ses amis que pour lui-même. La Bruyère, son œuvre sous les yeux, regrette-t-il de n’avoir pas modifié telle phrase, tel mot ? s’inipatiente-t-il de la découverte d’une faute d’impression qui a survécu à la révision des épreuves ? il fait composer aussitôt un carton. S’il en est temps encore, tous les exemplaires auront le carton, collé, avec ou sans onglet, à la place du feuillet qu’il s’agit de remplacer. Le relieur a-t-il commencé son travail, les exemplaires au moins qui sont encore en feuilles en seront pourvus. Les cartons, imprimés en hâte et sans surveillance suffisante, sont plus souvent entachés de fautes que les autres feuillets : la nouvelle composition, avec la variante ou la correction introduite par la Bruyère, contient-elle quelque erreur nouvelle qu’il ne puisse tolérer ? il demande un second carton, lequel, nous le montrerons du moins par un exemple, n’arrivera pas toujours assez tôt chez le relieur pour prendre dans tous les exemplaires la place du premier, déjà substitué, dans quelques volumes, au feuillet primitif. Disons-le toutefois, c’est par rare exception que tous les exemplaires d’une même édition ne sont pas uniformément munis du même nombre de cartons et des mêmes cartons.

Les corrections portant en général sur les remarques qui sont pour la première fois exposées à ce que la Bruyère appelle a l’écueil » de l’impression, c’est la première édition qui présentera les plus nombreuses traces de remaniements : nous y avons compté jusqu’à dix-huit cartons, comprenant vingt et un feuillets. Parmi ces vingt et un feuillets, il en est quatorze que nous avons pu, grâce à l’heureuse rencontre d’un exemplaire que le hasard a fait passer sous nos yeux, comparer aux feuillets primitifs ; la plupart nous ont donné, ici un mot, là un membre de phrase, ailleurs une phrase, qui diffèrent du texte définitivement adopté. Dans les éditions suivantes, c’est surtout le texte des morceaux inédits qui a reçu les retouches de l’auteur. Parfois il fait mieux que de changer quelques lignes : il est un passage de la 1re édition qui est l’objet de tels développements, qu’il est nécessaire d’intercaler 4 feuillets supplémentaires ; il en est un autre dans la 6 e, où l’introduction de deux remarques inédites exige la substitution de deux feuillets au feuillet primitif.

Nous avons relevé, pour chaque édition, les cartons que nous avons remarqués. La liste n’est ni complète, ni même peut-être exacte dans toutes ses indications : il est souvent difficile de distinguer sûrement un carton dans un exemplaire relié. Notre énumération montrera du moins presque toutes les traces visibles, sinon toutes, des remaniements subis

. 8e édition, p. 129 : voyez ci-après, n° 8, p. 146 et 147. — 2. Tome I, p. 91.