Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/266

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noble matière, ou ces grands hommes à leurs historiens.

13. Amas d’épithètes, mauvaises louanges : ce sont les faits qui louent, et la manière de les raconter.

14. Tout l’esprit d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. Moïse[1], Homère, Platon, Virgile, Horace, ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et par leurs images : il faut exprimer le vrai pour écrire naturellement, fortement, délicatement.

15. On a dû faire du style ce qu’on a fait de l’architecture. On a entièrement abandonné l’ordre gothique, que la barbarie avoit introduit pour les palais et pour les temples ; on a rappelé le dorique, l’ionique et le corinthien : ce qu’on ne voyoit plus que dans les ruines de l’ancienne Rome et de la vieille Grèce, devenu moderne, éclate dans nos portiques et dans nos péristyles. De même, on ne sauroit en écrivant rencontrer le parfait, et s’il se peut, surpasser les anciens que par leur imitation.

Combien de siècles se sont écoulés avant que les hommes, dans les sciences et dans les arts, aient pu revenir au goût des anciens et reprendre enfin le simple et le naturel !

  1. Quand même on ne le considère que comme un homme qui a écrit. (Note de La Bruyère.)