Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/353

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car il faut que ce soit ou par une étrange faiblesse de son amant, ou par de plus secrets et de plus invincibles charmes que ceux de la beauté.


37 (IV)


L’on est encore longtemps à se voir par habitude, et à se dire de bouche que l’on s’aime, après que les manières disent qu’on ne s’aime plus.


38 (IV)


Vouloir oublier quelqu’un, c’est y penser. L’amour a cela de commun avec les scrupules, qu’il s’aigrit par les réflexions et les retours que l’on fait pour s’en délivrer. Il faut, s’il se peut, ne point songer sa passion pour l’affaiblir.


39 (IV)


L’on veut faire tout le bonheur, ou si cela ne se peut ainsi, tout le malheur de ce qu’on aime.


40 (I)


Regretter ce que l’on aime est un bien, en comparaison de vivre avec ce que l’on hait.


4I (IV)


Quelque désintéressement qu’on ait à l’égard de ceux qu’on aime, il faut quelquefois se contraindre pour eux, et avoir la générosité de recevoir.

Celui-là peut prendre, qui goûte un plaisir aussi délicat à recevoir que son ami en sent à lui donner.


42 (V)


Donner c’est agir : ce n’est pas souffrir de ses bienfaits, ni céder à l’importunité ou à la nécessité de ceux qui nous demandent.