Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/70

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qui deviennent des proverbes et des maximes. Ayant conçu l’idée de donner des formes humaines à ces divinités que les peuples de l’Asie représentoient par des allégories souvent bizarres, ils furent obligés de chercher dans la nature humaine ce qu’elle avoit de plus élevé, pour composer leurs tableaux des traits qui commandoient la plus grande admiration. Leurs brillantes fictions se ressentent des mœurs d’un siècle à demi barbare ; mais elles traçoient du moins à leurs contemporains des modèles de grandeur, et même de vertus, plus parfaits que la réalité.

Les idées que la tradition avoit fournies à ces chantres révérés, ou que leur vive imagination leur avoit fait découvrir, furent méditées, réunies, augmentées par des hommes supérieurs, en même temps que tous les membres de la société sentirent le besoin de sortir de cet état d’instabilité, de troubles et de malheurs.

Alors les héros furent remplacés par des législateurs, et les idées religieuses se fixèrent. Elles furent enseignées surtout dans ces célèbres mystères fondés par Eumolpe, quelques générations avant la guerre de Troie, auxquels Cicéron[1] attribue la civilisation de l’Europe, et que la Grèce a regardés pendant une si longue suite de siècles comme la plus sacrée de ses institutions. Dans les initiations

  1. De Legibus, II, xiv.