Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/118

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n’est point aussi l’envie de laisser de plus grandes richesses à leurs enfants, car il n’est pas naturel d’aimer quelque autre chose plus que soi-même, outre qu’il se trouve des avares qui n’ont point d’héritiers. Ce vice est plutôt l’effet de l’âge et de la complexion des vieillards, qui s’y abandonnent aussi naturellement qu’ils suivaient leurs plaisirs dans leur jeunesse, ou leur ambition dans l’âge viril ; il ne faut ni vigueur, ni jeunesse, ni santé, pour être avare ; l’on n’a aussi nul besoin de s’empresser ou de se donner le moindre mouvement pour épargner ses revenus : il faut laisser seulement son bien dans ses coffres, et se priver de tout ; cela est commode aux vieillards, à qui il faut une passion, parce qu’ils sont hommes.

II4 (I)

Il y a des gens qui sont mal logés, mal couchés, mal habillés et plus mal nourris ; qui essuient les rigueurs des saisons ; qui se privent eux-mêmes de la société des hommes, et passent leurs jours dans la solitude ; qui souffrent du présent, du passé et de l’avenir ; dont la vie est comme une pénitence continuelle, et qui ont ainsi trouvé le secret d’aller à leur perte par le chemin le plus pénible : ce sont les avares.

II5 (I)

Le souvenir de la jeunesse est tendre dans les vieillards : ils aiment les lieux où ils l’ont passée ; les personnes qu’ils ont commencé de connaître dans ce temps leur sont chères ; ils affectent quelques