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Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/18

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par cette disgrâce, jusqu’à rendre le salut ; mais le temps, qui adoucit toutes choses, les remet enfin dans leur naturel.

I8 (IV)

Le mépris que les grands ont pour le peuple les rend indifférents sur les flatteries ou sur les louanges qu’ils en reçoivent, et tempère leur vanité. De même les princes, loués sans fin et sans relâche des grands ou des courtisans, en seraient plus vains s’ils estimaient davantage ceux qui les louent.

I9 (I)

Les grands croient être seuls parfaits, n’admettent qu’à peine dans les autres hommes la droiture d’esprit, l’habileté, la délicatesse, et s’emparent de ces riches talents comme de choses dues à leur naissance. C’est cependant en eux une erreur grossière de se nourrir de si fausses préventions : ce qu’il y a jamais eu de mieux pensé, de mieux dit, de mieux écrit, et peut-être d’une conduite plus délicate, ne nous est pas toujours venu de leur fonds. Ils ont de grands domaines, et une longue suite d’ancêtres : cela ne leur peut être contesté.

20 (VI)

Avez-vous de l’esprit, de la grandeur, de l’habileté, du goût, du discernement ? en croirai-je la prévention et la flatterie, qui publient hardiment votre mérite ? Elles me sont suspectes, et je les récuse. Me laisserai-je éblouir par un air de capacité ou de hauteur qui vous met au-dessus de tout ce qui se fait, de ce qui se dit et de ce qui s’écrit ;