Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/205

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yeux, à qui ils ne peuvent pas donner une dot, que dis-je ? elles ne sont pas vêtues, à peine nourries ; qui se refusent un tour de lit et du linge blanc ; qui sont pauvres ; et la source de leur misère n’est pas fort loin : c’est un garde-meuble chargé et embarrassé de bustes rares, déjà poudreux et couverts d’ordures, dont la vente les mettrait au large, mais qu’ils ne peuvent se résoudre à mettre en vente.

Diphile commence par un oiseau et finit par mille : sa maison n’en est pas égayée, mais empestée. La cour, la salle, l’escalier, le vestibule, les chambres, le cabinet, tout est volière ; ce n’est plus un ramage, c’est un vacarme : les vents d’automne et les eaux dans leurs plus grandes crues ne font pas un bruit si perçant et si aigu ; on ne s’entend non plus parler les uns les autres que dans ces chambres où il faut attendre, pour faire le compliment d’entrée, que les petits chiens aient aboyé. Ce n’est plus pour Diphile un agréable amusement, c’est une affaire laborieuse, et à laquelle à peine il peut suffire. Il passe les jours, ces jours qui échappent et qui ne reviennent plus, à verser du grain et à nettoyer des ordures. Il donne pension à un homme qui n’a point d’autre ministère que de siffler des serins au flageolet e de faire couver des canaris. Il est vrai que ce qu’il dépense d’un côté, il l’épargne de l’autre, car ses enfants sont sans maîtres et sans éducation. Il se renferme le soir, fatigué